Disparitions de Cyril Burget

En 2015, je découvrais l’histoire du Chili avec les documentaires de Patricio Guzmán, « La bataille du Chili », puis « Nostalgie de la lumière ». J’ai été bouleversé par la façon dont cet homme parvenait à conjuguer les sciences avec la sociologie et la poésie, comment il faisait résonner dans son oeuvre le tryptique « artnature- mémoire ». Tout comme lui, j’aspirais à entremêler ces différents domaines en un seul et même objet artistique. Face à l’importance que revêt la question de la mémoire dans ma pratique artistique, l’idée de réaliser une installation autour de la mémoire à partir de l’histoire de l’Autre s’est imposée. Je décidais alors de partir au Chili et je découvrais l’histoire « des vols de la mort ». Durant la dictature chilienne, on estime que 400 à 500 personnes ont été jetées en mer, attachées – souvent encore en vie – à des rails de chemin de fer. Le projet prenait forme comme un puzzle autonome. Les algues du Chili porteraient la trace du corps du disparu, muée par une transformation photosensible. Et faire remonter les algues, leurs corps, consisterait à faire refluer la mémoire de ces personnes, peut-être aussi un certain temps, celui du deuil.

– Cyril Burget

Une force anime Cyril Burget, je l’appellerai, avec Marcel Mauss, l’obligation de rendre. Pour lui-même, pour la société tout entière, il doit lutter contre l’entreprise de la « desaparición forzada » et exposer inlassablement les traces des engloutis pour leur redonner vie. Comme d’autres artistes qui travaillent sur le thème de la disparition, il réinscrit les « chupados » dans l’humanité, mais comme les Mères de la Place de Mai, les Grands- Mères, les HIJOS, l’AFDD pour ne citer qu’eux, il exige justice et vérité.

– Martine Déotte

Alors que plus de cent dix mille personnes restent « disparues » en Syrie, que des civils ukrainiens sont victimes de disparitions forcées, à l’approche de la commémoration des 50 ans – 11 septembre 1973 – du coup d’état du général Pinochet. Les Éditions d’une rive à l’autre ont réuni les voix de Cyril Burget – artiste – plasticien – et de Martine Déotte – sociologue – dans un travail de mémoire, de témoignage et d’hommage à toutes les victimes de disparitions forcées mais aussi pour rappeler que la disparition forcée est un crime contre l’humanité.