Les images de la photographe Christine Lefebvre semblent plus arrimées au corps qu’au langage.
Elles s’apparentent à des champs magnétiques qui convergent des forces, affectent leurs sens et leurs directions. L’artiste les déploie entre les pages d’un livre qu’elle a construit comme un poème, ses espaces blancs les exposant à l’ouverture du sens. Les photographies sont des visions arrachées à l’écoulement du temps. Lors de ses promenades, loin de la ville et des hommes, ce que la photographe sent monter comme une sève au contact d’un arbre, d’une falaise ou d’un glacier se fixe à main levée, en quelques secondes et par fragments impulsifs.
Le choix de l’oiseau comme protagoniste de ses chroniques provient du souvenir de lecture d’un célèbre conte mystique persan écrit au XIe siècle. La Conférence des oiseaux raconte l’épopée d’un groupe d’oiseaux perdus, en quête de vérité. Les photographies présentent des paysages immémoriaux rythmés par les battements d’ailes des oiseaux, contrastant avec les solides reliefs de paysages pétrifiés.
Elle est ce “rêve de pierre” qu’évoqua Baudelaire, témoin d’une révolution où la terre, source première de toute création, perdait son aura et se figeait en objet. L’oeuvre de Lefebvre est une élégie, mais compose aussi une ode à une nature restauratrice des liens avec les cycles, avec le rythme des saisons.
[extraits] Marguerite Pilven
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