Cet ouvrage est à la croisée des chemins, entre l’album de famille, le carnet intime et l’édition. Dans “Jamais je ne t’oublierai”, Carolle Bénitah nous livre à nouveau sa vision poétique et subtile de la mémoire et de la famille. Un objet qui résonne en chacun de manière différente, puisqu’en amputant les visages de ces personnages photographiés, elle nous offre un champs pour positionner l’image mémorielle de notre propre histoire…
La mémoire, qu’elle soit privée ou collective, est au cœur d’un grand nombre de sujets artistiques et photographiques. Dans un premier ouvrage, publié aux éditions Kehrer Verlag, intitulé “Photos souvenirs”, la photographe marocaine a puisé dans les archives de ses photos de famille pour les transformer, et redessiner une nouvelle mythologie familiale. À l’aide d’un fil rouge, couleur sang, elle vient broder ses photographies et raconte une nouvelle histoire, une histoire plus juste, celle que la surface photosensible vient cacher, ponctuée de conflits, de drames et de douleurs… Cette fois-ci, dans “Jamais je ne t’oublierai”, le rouge violent et les cicatrices laissent place à la feuille d’or, et ses propres photos de famille sont remplacées par celles d’anonymes. Après avoir exploré la mémoire de son enfance, qui a permis de définir et de comprendre son identité, elle souhaite aller plus loin, et reconstruire des images manquantes dans sa propre histoire.
Après tout ce travail d’exploration de ses archives photographiques, la photographe s’est aperçue qu’une grande partie de son histoire familiale n’avait pas été immortalisée par l’image. Et en particulier la vie de ses parents avant leur mariage. C’est ainsi que lui est venue l’envie d’exploiter les souvenirs des autres ,pour recréer sa propre iconographie. Ainsi, elle chine et achète des photographies d’anonymes dans les brocantes et les marchés aux puces. Des images vernaculaires qu’elle va traiter de manière à leur donner un nouveau sens, une nouvelle identité. Pour ce faire, elle recouvre les visages ou les silhouettes de feuilles d’or. Elle reconstitue des souvenirs manqués ou fantasmés.
En bas de chacune des photographies de cet album imaginaire, elle inscrit des souvenirs personnels et douloureux, qui parlent de la difficulté de construire une vie heureuse « comme sur les photos ».
– Texte Ericka Weidmann (9 Lives magazine)
Cet ouvrage a été primé au HiP 2020 dans la catégorie Monographie artiste.
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