Le 8 novembre 2018, le mégafeu Camp Fire ravageait Paradise, ville californienne de 26 000 âmes à 140 km au nord de Sacramento, en moins de quatre heures. Provoquées au lever du jour par un court-circuit sur un pylône électrique quasi-centenaire de la société Pacific Gas & Electric, ses flammes se sont propagées sur ce haut-plateau de la Sierra Nevada sous l’effet des vents forts, de la chaleur et d’une végétation sèche et abondante.
Incendie le plus coûteux à ce jour aux États-Unis (10,8 milliards de dollars) et le plus meurtrier, Camp Fire a en quelques heures détruit 18 800 bâtiments, fait 86 morts – ainsi que plus de 50 victimes indirectes – et plongé nombre des habitants de la ville dans une précarité redoutable dont beaucoup souffrent encore à ce jour.
En 2020, le North Complex Fire se déclarait à quelques kilomètres de Paradise, occasionné par un éclair d’orage. Parmi les pratiquement 10 000 feux de végétation de Californie cette année-là, le plus important d’entre eux a détruit 400 000 hectares et donné naissance à une nouvelle classification : le gigafeu.
Le 13 juillet 2021, le mégafeu Dixie Fire se déclenchait à son tour sur les collines qui jouxtent Paradise, sous les mêmes lignes électriques déjà incriminées en 2018. Par chance cette fois, il s’est éloigné de la ville sous l’effet des vents contraires. Au cours de plus de 100 jours d’activité incontrôlable, Dixie Fire a consumé trois fois la surface de San Francisco (390 000 hectares). Assez puissant pour générer sa propre météo, il est à ce jour le plus grand feu de l’histoire de Californie.
« Si l’un des pouvoirs de la photographie est de révéler ce qu’on ne voit pas, elle est aussi limitée dans sa capacité à montrer ce qui n’est pas (ou plus) directement visible. Elle échoue par essence à capter l’odeur de fumée, la chaleur ou d’autres sensations qui ont marqué pour toujours les victimes des mégafeux.
Pour retranscrire de façon sensible les émotions des survivants et les images qui les hantent, photographiant en argentique j’emploie par intermittence un film diapositive infrarouge dont les tonalités embrasées, flash-backs de l’enfer vécu, rappellent la mémoire des flammes gravées sur leurs rétines.
Ces hallucinations viennent ponctuer la normalité ténue d’une vie qu’ils essaient de reconstruire ».
Maxime Riché, extrait.
« Paradise nous offre la parole du peuple résilient, il n’y a plus ici de lutte des classes entre riches et pauvres, mais une distinction entre ceux qui entretiennent l’espoir et ceux qui ont abdiqué. Leur apparence est humaine mais ils forment une avant-garde spectrale, celle d’un peuple pour lequel le futur a disparu ».
Michel Poivert, extrait.
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