« En substituant l’absence à la preuve directe, Kourtney Roy souligne les impossibilités d’un discours d’évidence sur ces vies « minuscules » qui n’attirent jamais l’attention. En Colombie-Britannique (Canada), depuis 1969, c’est-à-dire pendant plus de cinquante ans, les meurtres vont s’étaler dans le temps. Des dizaines de femmes et de filles vont disparaître, quelques-unes seront retrouvées mortes, dispersées le long de ce que l’on appelle désormais « Route des Larmes »…
François Cheval, extrait.
«Étonnant propos que cette série, sans heurts, d’une grande simplicité, décrivant des lieux qui s’enchaînent sans lyrisme, mais jamais plat. Des fragments qui s’accumulent où les détails vont de pair avec l’absence de moments paroxystiques.
La mise en récit par l’image est dans l’impossibilité de dire directement le désordre du monde. Ce dernier est essentiellement nocturne, flouté par le brouillard ou les incendies de forêt, c’est-à-dire qu’il échappe au regard, définitivement rétif à la photographie. Il faut faire avec! Alors le médium retrouve sa qualité première, le silence qui accompagne la violence, dans ce qui ne peut s’énoncer ouvertement.»
François Cheval, extraits.
«Je désirais sortir de la sphère limitée que j’avais construite dans mes précédents travaux, entrer dans la réalité quotidienne des gens qui habitent le long de cette route, et ainsi comprendre un tant soit peu ce que leurs vies ont été et continuent d’être, même si ce projet pose maints problèmes et questions. En fait, c’est précisément pour ces raisons que j’ai eu envie d’y aller.
Souvent, les lieux où bon nombre des cadavres furent découverts demeurent non marqués. C’étaient des endroits ordinaires, banals, passant inaperçus. Cette banalité des sites était troublante, très émouvante. C’est cette «trivialité» que je voulais photographier, pour révéler les détails fortuits et marginaux de la route, accorder à ces lieux un sentiment d’inquiétude et d’ambiguïté. L’ombre de ce qui avait suinté le long de cette route tapotait avec ses pattes d’araignée contre le bocal en verre de mon imagination…
La nuit, la lumière des phares des voitures pénétrait dans ma chambre et me réveillait en sursaut, le cœur battant : j’ai commencé à imaginer qu’on me suivait, qu’on avait remarqué ma présence.
Entre les rumeurs d’exploitation sexuelle à grande échelle et de violence de la part de la PMRC, les camionneurs tueurs en série et les trafics de drogue partis en vrille, on m’avait raconté des histoires si brutales et affreuses que mes pensées s’affolaient dans un tourbillon de paranoïa et de peur. Comme d’autres avant moi, je me suis demandé s’il n’existait pas une conspiration plus vaste au-delà de ces femmes et de ces jeunes filles tuées.
Le lendemain matin, je ressortais de l’hôtel et le soleil qui se levait au-dessus des montagnes dissipait temporairement mes terreurs nocturnes. Le paysage indifférent mais envoûtant me suggérait avec insistance d’interroger les secrets et les atrocités non élucidées qui hantent la Route des Larmes.»
Kourtney Roy, extraits.
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